Sorcières – La puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet

En septembre paraissait un livre que j’attendais avec impatience, aux Editions La Découverte. Sorcières de Mona Chollet devait nous parler de l’archétype de la sorcière, du pourquoi ce mot est encore utilisé péjorativement par certains, ou adopté comme super-pouvoir par d’autres. Tout un programme qui allait donc nous parler non pas tellement d’ésotérisme, mais bien de féminisme, de représentation de la femme, de discrimination, aussi. J’étais sûre de l’acheter, parce que c’est un angle d’approche intéressant d’une thématique qui me tient à cœur, vous l’aurez compris. Mais quelques imprévus financiers m’ont fait repousser le grand jour de l’achat (qui viendra donc bientôt), et je ne pouvais plus attendre. Un peu par hasard, je suis donc tombée sur le site des Editions Zones, la marque sous laquelle le livre est édité pour les Editions La Découverte. Et là, j’ai découvert un truc incroyable. Le texte complet de Sorcières. Avec ce message :

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Puisque je sais que je vais l’acheter, j’ai donc craqué et j’ai entamé la lecture en ligne : pas des plus agréables, mais tant pis. Et je reviens donc vers toi pour te livres mes impressions.

Sache avant tout que j’ai surligné un tas de trucs et que je trouve réellement cette lecture intéressante. J’ai très vite compris que ce livre m’était destiné – moi qui m’informe sur l’ésotérisme et le féminisme, une approche de l’un en utilisant un peu l’autre ne pouvait donc que fonctionner. Mais ce choix d’angle d’approche ne vient pas de nulle part, et Mona Chollet savait que ça intéresserait. Elle nous le dit d’ailleurs assez vite.

Comment expliquer cette vogue inédite ? Celles et ceux qui pratiquent la sorcellerie ont grandi avec Harry Potter, mais aussi avec les séries Charmed – dont les héroïnes sont trois sœurs sorcières – et Buffy contre les vampires – où Willow, d’abord lycéenne timide et effacée, devient une puissante sorcière –, ce qui peut avoir joué un rôle. La magie apparaît paradoxalement comme un recours très pragmatique, un sursaut vital, une manière de s’ancrer dans le monde et dans sa vie à une époque où tout semble se liguer pour vous précariser et vous affaiblir.

Avec ce livre donc, Mona Chollet va expliquer par différentes approches pourquoi la figure de la sorcière a toujours fait peur, mais aussi pourquoi, finalement, les femmes fortes ont, à toutes les époques et aujourd’hui encore, été assimilées à des sorcières. En passant en revue différents types de femmes (la femme seule, la femme âgée et la femme qui ne veut pas d’enfants), elle explique que la femme telle que la société se la représente doit répondre à des normes, et que si elle ne le fait pas, elle est très vite pointée du doigt, exclue et mise (métaphoriquement de nos jours) au bûcher.

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En parallèle à des considérations actuelles, l’auteure va aussi revenir sur les chasses aux sorcières et leur histoire, sur le fait que ces chasses étaient en fait le fruit d’une misogynie exacerbée et que les chasses aux sorcières ont permis à des hommes de faire taire des femmes qui étaient un peu trop dangereuses à leurs yeux : maîtresses, femmes indépendantes, etc.

À vrai dire, c’est précisément parce que les chasses aux sorcières nous parlent de notre monde que nous avons d’excellentes raisons de ne pas les regarder en face. S’y risquer, c’est se confronter au visage le plus désespérant de l’humanité. Elles illustrent d’abord l’entêtement des sociétés à désigner régulièrement un bouc émissaire à leurs malheurs, et à s’enfermer dans une spirale d’irrationalité, inaccessibles à toute argumentation sensée, jusqu’à ce que l’accumulation des discours de haine et une hostilité devenue obsessionnelle justifient le passage à la violence physique, perçue comme une légitime défense du corps social. Elles illustrent, pour reprendre les mots de Françoise d’Eaubonne, la capacité humaine à « déchaîner un massacre par un raisonnement digne d’un aliéné ».

Je ne peux pas partager tous les extraits que j’ai marqués, parce que l’article ferait à peu près la taille du livre. Je ne peux vous dire que : cette réflexion menée par Mona Chollet est extrêmement enrichissante. Ce voyage entre la période contemporaine et l’époque des chasses aux sorcières permet de montrer que même si on ne brûle plus les femmes qu’on accuse, le terme sorcière est souvent employé contre les femmes dans les médias, en politique. Hillary Clinton a notamment eu droit à ce petit nom face à Donald Trump.

Mais le livre montre aussi que la sorcière devient une figure reconnue parmi les femmes, une figure que l’on a envie de s’approprier.

À travers elle m’est venue l’idée qu’être une femme pouvait signifier un pouvoir supplémentaire, alors que jusque-là une impression diffuse me suggérait que c’était plutôt le contraire. (…) À travers elle m’est venue l’idée qu’être une femme pouvait signifier un pouvoir supplémentaire, alors que jusque-là une impression diffuse me suggérait que c’était plutôt le contraire.

Comme l’auteure, mes modèles de « sorcières » sont des personnages auxquels je pourrais être fière que l’on m’identifie : Willow dans Buffy, Hermione dans Harry Potter, les soeurs Sanderson dans Hocus Pocus – qui sont pas très sympas mais leur humour est plutôt pas mal, Sabrina l’Apprentie Sorcière, etc. Tous ces personnages sont forts, intelligents, elles utilisent à bon escient à la fois leur intelligence et leurs émotions, elles font le bien. Alors si être une sorcière, c’est être tout ça – sans les pouvoirs, c’est probablement l’un des plus beaux compliments que je pourrais recevoir, finalement.

Cet article est décousu et n’exprime probablement que le dixième de tout ce que Mona Chollet fait passer. Mais le livre est extrêmement dense et j’ai hâte de me procurer la version papier pour pouvoir retourner dedans et approfondir ma réflexion autour. Je terminerai par un petit extrait qui tente d’expliquer pourquoi actuellement le fait d’être sorcière est « en vogue », qu’on voit un retour à des pratiques et des rituels (pour lesquels il existe déjà un commerce, malheureusement) et que beaucoup de personnes lambdas souhaitent à nouveaux croire aux pouvoirs.

Quand un système d’appréhension du monde qui se présente comme suprêmement rationnel aboutit à détruire le milieu vital de l’humanité, on peut être amené à remettre en question ce qu’on avait pris l’habitude de ranger dans les catégories du rationnel et de l’irrationnel.

5 réponses sur « Sorcières – La puissance invaincue des femmes, de Mona Chollet »

  1. Hommage à la Sorcière…
    La sublime Prêtresse qui chantait le cantique de la Nature, l’inspiratrice des hommes, la grande consolatrice, Celle qui était la promesse et la miséricorde, Celle qui était la science et guérissait toutes les blessures, a été chassée du temple.
    L’ignorance a pris sa place et s’est faite orthodoxie. Alors, que va-t-elle devenir ?… Qu’elle le veuille ou non, la voilà destinée à l’oeuvre sourde des conspirations.
    « Humiliée dans les petites occupations, elle qui avait vu par-dessus nos fronts, dit Jules Bois, elle fut enfoncée dans les détails obscurs. La sibylle qu’elle porte en elle fait semblant de dormir, mais s’éveille parfois.
    « La femme est en tête de l’hérésie. Chassée du temple, elle devint la sorcière. Elle paya cette révolte du plus riche et du plus précieux de son sang. Les Albigeois et les Gnostiques la glorifièrent. La sainte Sophia était pour eux la Déesse invisible. C’est dans le massacre que fut noyée cette résurrection mystique de la femme. Plus tard, quand les Bohémiens arrivent à Paris, ils disent obéir à la sublime maîtresse du feu et du métal, prêtresse d’Isis, qui dans le dernier de leurs chariots penche un front couronné de sequins sur les livres antiques. Mais la pauvre sorcière du moyen âge est encore la plus dolente. On l’extermine par hécatombes. »
    Mais il faut un prétexte pour l’exterminer.
    On l’accuse d’exercer un pouvoir magique, occulte et tout-puissant, pour nuire à l’homme.
    Et cependant, malgré la persécution, elle travaille, elle écrit, son esprit toujours actif se manifeste sous l’impulsion de sa plus brillante faculté, l’intuition ; c’est ce qui fait dire à Jules Bois, dans Le Satanisme et la Magie (p. 43) : « Elle se relève la nuit, écrit d’étranges pages, qui semblent ne jaillir ni de ses souvenirs, ni de ses lectures, ni de ses conversations. D’où alors ? Autour d’elle, on s’inquiète : comment croire à des fraudes ? On se récrie, on résiste, puis d’épouvante on accepte tout. C’est que l’invisible devient visible de plus en plus, il commande, il conseille, il investit la maison de sa présence outrecuidante, utile cependant. Il gère les affaires, prophétise, allonge dans la famille moderne l’ombre des vieux Dieux. »
    Après ce massacre de la Femme, qu’allait-il rester de la société humaine ?
    « La Femme universelle, toujours refoulée par l’Eglise, la Mère étouffée par la Vierge, la Femme vraie, sans fausse honte de sa nature et de ses dons » (Jules Bois). En effet, il restait la Nature avec ses éternelles lois. Il restait la Femme !.. Déesse sans autels, Reine sans royaume, qui n’ose avouer sa royauté,… mais la prend quand même !
    Mais toutes n’étaient pas des femmes fortes, des sorcières. Il y avait aussi les femmes faibles et amoureuses de l’homme perverti.
    Mais les femmes fortes allaient à l’homme maudit, à celui que, par un paradoxe fréquent, le prêtre appelait « Satan », c’est-à-dire à l’homme vrai, grand et droit. Elles allaient donc au diable, elles se donnaient au diable, modeste, pauvre, déshérité comme elles.
    Ce sont eux qu’on appelle les bons hommes, on les prend en pitié parce qu’ils n’ont pas l’astuce et l’hypocrisie des grands seigneurs de l’Église. Ces naïfs sont restés fidèles à l’antique loi morale ; aussi, comme ils sont ridiculisés, avilis, meurtris, les pauvres grands bons hommes, et hués par le peuple abruti ! Mais qu’importe à ces hommes ce qu’on dit d’eux ? il leur reste la vraie femme, la grande, c’est-à-dire tout, et c’est cela qui, finalement, les fera triompher.
    Cordialement.

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