Ne plus se mentir – Petit exercice de lucidité par temps d’effondrement écologique, de Jean-Marc Gancille (Masse Critique Babelio #16)

Bon, j’ai un peu de retard pour vous présenter cette courte Masse Critique reçue grâce à Babelio et aux Editions Rue de l’Echiquier. Le livre faisait moins de cent pages – mais ce sont cent pages à digérer, qui n’hésitent pas à vous confronter à la réalité du changement climatique et du manque d’action.

Je me suis toujours inscrite avec beaucoup de fierté dans ces gens qui mettent en pratique la légende du colibri ou l’histoire de l’enfant et l’étoile de mer : bref, ceux qui sont persuadés que chaque petit geste compte et qu’il est important que même la plus petite entité fasse ce qu’il peut pour changer les choses. Et dès les premières pages de ce petit livre, l’auteur nous montre à quel point cette façon de voir les choses un peu naïve par moments peut être dangereuse. Tout son propos va être de démontrer que ça ne suffit pas – contrairement à ce que l’on veut nous faire croire.

J’ai eu un peu peur au début – d’abord parce que ça va totalement à l’encontre de ma façon de voir les choses. Mais Jean-Marc Gancille a réussi à me faire passer l’état de petit choc que je vivais pour me démontrer en quoi ce qu’il me disait était logique et ce qu’on pouvait faire encore, même si « il est encore temps » est illusoire. J’ai surtout eu peur, en fait, du côté un peu fataliste de dire que ce qu’on fait à petite échelle ne suffit pas. Toutefois l’auteur m’a très vite rassurée : à aucun moment son propos n’est fataliste, que du contraire. Il est inspirant et pousse à se repositionner encore un peu sur ses positions écologiques.

Ce livre est finalement un appel à la révolution nécessaire que l’humanité va devoir vivre pour sauver sa planète. Je reconnais que je suis loin d’être prête pour ce bouleversement. Mais je me rends compte de plus en plus d’à quel point il est nécessaire et inévitable, et ce livre m’a aussi aidée à comprendre quelque chose qui pourrait pourtant couler de source : perdre une partie de notre confort serait la meilleure chose qui pourrait nous arriver pour sauver ce qu’on peut encore sauver. Ne pas le faire risque d’être bien pire. Alors oui, je vous dis ça bien au chaud derrière mon PC. Comme je viens de le dire, et comme le pointe l’auteur, c’est assez anxiogène cette idée qu’on doit renoncer à des avancées pour y arriver.

Mais surtout, le point que l’auteur essaye de démontrer, c’est qu’il n’est pas efficace de le faire seul dans son coin. C’est l’ensemble de notre société qui va devoir être chamboulée dans ses fondations les plus profondes pour qu’on y arrive. La partie la plus fataliste du livre résiste finalement dans le fait, assez juste, que les mentalités des puissants ne vont pas aller dans ce sens-là. Alors il faudra que cela vienne de tous les autres.

C’est une belle claque que je me suis prise avec cette lecture – mais une claque nécessaire et qui me pousse à réfléchir encore plus à tout ça. Je vais bientôt revenir sur un autre « support » pour cette thématique et un tout autre point de vue, puisque j’aimerais te parler ici de la conférence donnée par Rob Hopkins à Mons – toute aussi inspirante, un peu moins fataliste (mais est-ce une bonne chose finalement ?)

Comme souvent dans le cas de livres de ce genre, je vais te partager quelques passages. Sincèrement, j’ai mis de côté un tas de morceaux – et le livre est tellement court que je pense qu’il sera plus simple de m’y replonger carrément de temps en temps. Mais quand même, voici quelques extraits pour toi :

Admettons-le sans détour : la transition n’a pas lieu. Aucun signe tangible, aucune statistique sérieuse, aucune tendance solide n’accrédite cet espoir. Le sursaut des consciences, l’inflexion écologique des politiques publiques, la mise en mouvement des entreprises privées, l’influence des ONG ne sont malheureusement que vues de l’esprit. Nous avons lamentablement échoué à mobiliser la société.

Entendons-nous bien, tenter de faire son possible au niveau personnel n’est pas condamnable en soi et peut favoriser l’essor d’offres et d’entreprises plus respectueuses de l’environnement. Mais chercher des manières plus vertes de maintenir le statu quo d’une société marchande qui nous impose de vivre dans le mythe d’une croissance infinie n’est pas une solution. (…) Culpabiliser l’individu évite de condamner le système.

Think local, pollute global !

Nous vivons largement au-dessus de nos moyens, dans une fuite en avant à crédit, qui creuse une dette écologique irréparable. (…) Nous sommes au pied du mur. Nous savons intimement qu’il est désormais impératif que nous nous fixions des limites. Maximales, radicales, drastiques.

On n’est pas près de réconcilier la fin du monde et la fin du mois, en tous les cas pas sans une répartition équitable du fardeau immense que constituerait l’effort de conversion de pans entiers de l’économie. Atténuer le changement climatique suppose des choix impopulaires.

En sapant méthodiquement les conditions de vie sur cette planète jusqu’à menacer la sienne propre, l’espèce humaine serait-elle fondamentalement et définitivement autodestructrice ?

Nous avons désormais un devoir de lucidité. Accepter le tragique de la situation, aiguiser un esprit critique sur les racines du désastre, ne pas se défausser de notre responsabilité, identifier et nommer l’adversaire, livrer bataille.

Considérons enfin nos actions individuelles pour ce qu’elles sont. Les gestes qui font sens pour chacun d’entre nous ont le mérite de réduire la dissonance cognitive qui nous tiraille en nous permettant de nous aligner sur nos convictions.

La seule option est désormais de tenter d’éviter l’ingérable et gérer l’inévitable.

Nous allons avoir besoin de courage, pas d’espoir Dans l’incontournable épreuve de dérèglement climatique, de descente énergétique, de raréfaction des ressources et de déclin de la biodiversité que nous allons traverser, nous n’aurons pas besoin de « bons sentiments » mais de puiser profondément dans les valeurs qui ont toujours permis au collectif de faire face : lucidité, honnêteté, justice, dignité, responsabilité, fraternité, vaillance, bravoure,  courage… Et probablement une autre, essentielle, qui nous fait aujourd’hui massivement défaut : la compassion envers toutes les formes de vies animales et végétales sur cette planète.

2 réponses sur « Ne plus se mentir – Petit exercice de lucidité par temps d’effondrement écologique, de Jean-Marc Gancille (Masse Critique Babelio #16) »

  1. Oh j’ai très envie de lire ce livre. Tu me rassures en disant que c’est pas trop fataliste, ça m’évitera de finir en larmes une fois que je l’aurai lu. Merci pour cette découverte 🙂

  2. Merci pour ce conseil de lecture, je suis très en phase avec cette vision des choses, j’essaie modestement de la défendre sur mon blog et les réseaux et autour de moi, dans ma petite vie militante (enfin d’humble militante)… je la note, ça peut être une bonne idée de livre à lire, à prêter !

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