Défense des droits des femmes, de Mary Wollstonecraft

Il s’agit de morceaux choisis du texte, regroupés dans une édition Folio 2€, et non du texte complet.

ATTENTION, CA VA ETRE LONG (mais intéressant et rempli de liens – vers mes chroniques ou vers ailleurs, allez viens)

J’ai probablement acheté ce livre il y a deux ans maintenant, jour pour jour, au début de ma réflexion féministe. Si tu te souviens bien, au début, je n’aimais pas trop ce mot : féministe. C’est un mouvement, et comme tout mouvement, il comprend des extrêmes, des « versions » différentes. Mais le féminisme reste un combat en vue de l’égalité des sexes. Et en ça, le mot ne me fait plus (aussi) peur aujourd’hui (oui, il reste encore quelques relents tenaces, mais j’y travaille).

Deux ans après l’achat donc, il me paraissait bon de parler de ce petit essai en cette Journée Internationale du Droit des Femmes (l’appellation officielle de l’ONU est bien Journée de la Femme, mais je préfère parler du Droit des Femmes – qui recentre un peu le but même de la journée). Je t’aurais programmé l’article pour ce matin. Mais tu me connais peut-être un peu, j’ai du mal à respecter les délais, je procrastine souvent. J’ai donc commencé la lecture le 7 mars. Au fond, le livre ne fait que 140 pages. C’était sans compter sur le vocabulaire et les tournures de phrases. Le texte est repris sous la forme d’une des premières traductions faites en français (voire carrément la première traduction, faite en 1792 – année de publication du texte original également). Résultat : on est le 8 mars en pleine journée, et je vais devoir compter sur mes pauses et ma soirée. Mais cet article paraîtra aujourd’hui !

Mary Wollstonecraft a écrit ce texte après avoir pris connaissance du Rapport sur l’instruction publique, rédigé par Talleyrand et présenté à l’Assemblée nationale française en 1791 (post-Révolution donc). Un peu révoltée par la place accordée aux femmes dans ce texte, Mary Wollstonecraft va livrer un vrai plaidoyer en faveur de l’éducation des femmes, et plus largement, de la place donnée aux femmes dans la société. Son texte, elle l’a envoyé directement à Talleyrand. Il s’inscrit dans la lignée des Lumières, et elle y exprime sa déception de voir que la Révolution Française n’aura pas permis de changer ce statut des femmes qu’on n’éduque pas pour éviter qu’elles s’intéressent de trop aux choses sérieuses, formulons-le comme ça.

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Ce contexte étant planté, que dire sur le texte ?

Très vite, Mary Wollstonecraft va planter son idée principale qui est : certes, les hommes (en prenant un sens général du terme) dépassent (généralement) les femmes (sens général aussi) en matière de force physique. Cependant, ce n’est pas une raison pour que les femmes soient vues comme faibles en tout point. Si la force physique peut être placée en la faveur des hommes, pourquoi accepter toutefois que l’intellect et la vertu ne soient pas égaux chez les hommes et chez les femmes, et ainsi, faire en sorte de les développer de la même façon pour les deux sexes.

Après avoir expliqué cela, sa solution se retrouve donc dans l’éducation. Il faut savoir qu’à l’époque (et je suppose en Angleterre, où elle vit), l’éducation primaire est gratuite mais non-obligatoire, et l’éducation secondaire est payante. On favorise donc l’éducation pour les garçons de la famille (comme c’est encore le cas dans de nombreux pays). De plus, pour beaucoup, l’éducation des femmes doit concerner plus (à l’époque) des sujets plutôt frivoles et leur paraître, plutôt que le développement de l’intellect et de la vertu. Elle reprend notamment l’expression du Docteur Grégory dans son livre A Father’s Legacy to his Daughters, qui conseille donc à ses filles de « cultiver le goût pour la parure parce que, dit-il, le goût de la parure est naturel aux femmes ».

Bref, dans son premier chapitre, l’autrice démontre de plusieurs façons que l’éducation des femmes est importante, et que finalement, ce n’est pas inutile. Un de ses arguments, qui m’aura fait beaucoup sourire, c’est que développer l’intellect et la vertu des femmes, c’est aussi finalement (je vous la fais courte, allez lire le développement) éviter que votre femme ne finisse par vous tromper, puisqu’il ne saurait y avoir de moralité sans instruction, dit-elle.

Le point central du raisonnement de Mary Wollstonecraft est l’éducation, ce qu’on peut retrouver aussi chez des féministes contemporaines (notamment Chimamanda Ngozi Adichie). C’est une thématique pour laquelle l’autrice s’est énormément renseignée. Elle avait d’ailleurs déjà publié en 1786 Thoughts on the Education of Daughters.

Mary Wollstonecraft regrette que l’éducation donnée aux femmes à son époque ne se contente finalement que d’en faire des personnes prêtes au mariage, des êtres soumis et faibles qui ne sont là que pour répondre aux besoins de leur mari (une idée pas très éloignée finalement de la dystopie The Handmaid’s Tale, où les femmes ne sont là que pour servir les hommes d’une manière ou d’une autre). L’autrice se demande si « ces femmes élevées de bonne heure dans l’obéissance passive, sont-elles-bien propres au soin d’une famille, à l’éducation des enfants ? Ont-elles assez d’éducation pour remplir ces devoirs ? »

Si les femmes sont des créatures raisonnables, ne les traitez point en esclaves. En les associant à l’homme, ne les traitez point comme les bêtes qui sont dans sa dépendance. Cultivez leur entendement, donnez-leur des principes : qu’elles acquières la conscience de leur dignité en éprouvant qu’elles ne dépendent que de l’Être suprême ; au lieu de leur faire une morale particulière pour les rendre plus agréables, enseignez-leur, comme aux hommes, à se soumettre à la nécessité.

Dans le second chapitre repris ici (mais donc peut-être pas celui du texte original), Mary Wollstonecraft continue son raisonnement en précisant qu’en ne dotant pas la femme des outils pour développer intellect et vertu, elle reste dépendante de l’homme. « L’homme placé entre elle et la raison, il faudra qu’elle s’en rapporte à lui sur toutes choses sans pouvoir en juger par elle-même ». Beaucoup de contemporains de l’autrice pensent que la femme ne peut raisonner, et qu’elle ne peut réagir qu’avec ses sens et ses sentiments. Mary Wollstonecraft va postuler, pendant tout son livre, que la femme est, elle aussi, dotée de raison et qu’il serait bon qu’on la nourrisse en l’éduquant pour qu’elle puisse utiliser cette raison le mieux possible.

Je désire ardemment que, les moments de l’amour exceptés, il n’y ait aucune distinction de sexe dans la société car je suis fermement persuadée que c’est cette distinction qui est le principe de la faiblesse de caractère attribuée aux femmes. C’est par cette raison qu’on néglige leurs facultés intellectuelles et qu’elles préfèrent les qualités agréables aux vertus héroïques.

Enfin, dans le dernier chapitre, Mary Wollstonecraft s’attaque plutôt à la critique de Emile ou De l’éducation de Rousseau, publié en 1762. Ce livre était, à l’époque, une grande avancée en matière d’éducation et est resté très longtemps une référence en la matière. Mais il ne porte que sur l’éducation des hommes, puisque Rousseau y adopte une position clairement sexiste. Il s’y oppose à l’éducation des filles, et Mary Wollstonecraft n’hésite pas à exprimer son désaccord avec cette position. C’est intéressant d’avoir un contraste avec un autre livre de référence qui n’a « que » trente ans de plus, et d’avoir finalement un discours d’un autre extrême.

Je ne vais pas conseiller cette lecture à tout le monde (c’est d’ailleurs pour ça que j’ai fait aussi long, pour tenter de résumer comme je pouvais). Je pense qu’il y a des livres contemporains qui sont bien plus importants pour savoir ce qu’il faut faire encore maintenant, que ce soit ici ou ailleurs (La moitié du ciel reste un must si je dois replonger dans mes propres lectures). Toutefois, si les origines du féminisme et l’aspect plus historique de la chose vous intéressent, alors je pense que c’est le genre de lecture à faire. J’ai d’ailleurs Femme, réveille-toi (aussi un Folio 2€) qui traîne dans ma bibliothèque, dans le même genre.

PS : Mary Wollstonecraft, en plus d’être une féministe pionnière, est la maman de Mary Shelley. Autrice de Frankensein. Voilà.

6 réponses sur « Défense des droits des femmes, de Mary Wollstonecraft »

  1. Un livre qui a l’air très intéressant mais qui doit aussi mettre pas mal en colère car il renvoie à une époque où les femmes étaient encore plus sous-estimées…

    • En effet, il y avait des propos d’autres auteurs assez énervants, mais puisque l’autrice s’occupe de démonter leurs arguments petit à petit, ça passe malgré tout 🙂

    • Alors fonce 🙂 Personnellement, je me suis contentée de cette version « raccourcie » de chez Folio. Peut-être qu’un jour je chercherai à lire la version complète. Mais c’était déjà super intéressant comme ça (je crois que c’est ma plus longue chronique, d’ailleurs :D)

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